À la manière de Francis Ponge dans «Le Galet» ou des autres exemples de texte ci-dessous, choisissez un objet élémentaire (une montre, un crayon, un bijou, etc.) et entrez dans cet objet par la langue, au plus exact de ce qu'il est, dans sa banalité comme dans sa singularité. Vous pouvez, dans un premier temps, jeter sur le papier tout ce qui vous vient à propos de cet objet, ses qualifications, sa définition dans le Littré (comme le faisait Ponge), ses utilisations, ses symboles, des expressions l'incluant... Puis organiser vos notes en un texte.
Sophie Divry, La condition pavillonnaire, 2014.
Le roman raconte l'histoire d'M.A, une Emma Bovary moderne qui, comme son homonyme, «attend, au fond de son âme, un événement» pour briser l'ennui d'une vie dans laquelle il ne se passe rien. Entre les deux rectangles gris, la narratrice décrit dans les moindres détails les gestes impliqués dans une tâche des plus banales: faire une machine. Regardez comme elle utilise uniquement les qualités sonores de son geste, et la manière dont elle insère dans la description d'autres bruits du quotidien.
Francis Ponge, «La Cigarette», dans Le Parti pris des choses.
Un second exemple des «proêmes» de Francis Ponge.
Francis Ponge, «Introduction au galet» / extraits (1933)
«... A tout désir d’évasion, opposer la contemplation et ses ressources. Inutile de partir : se transférer aux choses, qui vous comblent d’impressions nouvelles. Personnellement, ce sont les distractions qui me gênent. Tout le secret du bonheur du contemplateur est dans son refus de considérer comme un mal l’envahissement de sa personnalité par les choses. Le meilleur parti à prendre est donc de considérer toutes choses comme inconnues, et de se promener ou de s’étendre sous bois ou sur l’herbe, et de reprendre tout du début.
Le poète ne doit jamais proposer une pensée mais un objet, c’est-à-dire que même à la pensée il doit faire prendre une pose d’objet. Le poème est un objet de jouissance proposé à l’homme, fait et posé spécialement pour lui. Cette intention ne doit pas faillir au poète.
Du peu d’épaisseur des choses dans l’esprit des hommes jusqu’à moi : du galet, ou de la pierre, voici ce que j’ai trouvé qu’on pense, ou qu’on a pensé de plus original : Un cœur de pierre (Diderot) ; Uniforme et plat galet (Diderot) ; Je méprise cette poussière qui me compose et qui vous parle (Saint-Just) ; Si j’ai du goût ce n’est guère / Que pour la terre et les pierres (Rimbaud).
Les paroles sont toutes faites et s’expriment : elles ne m’expriment point. C’est alors qu’enseigner l’art de résister aux paroles devient utile, l’art de ne dire que ce qu’on veut dire, l’art de les violenter et de les soumettre. Donnez tout au moins la parole à la minorité de vous-mêmes. Soyez poètes.»


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