lundi 27 avril 2015

Bibliographie de témoignages d'écrivains

Archibald, Samuel. Le sel de la terre. Document, 2013.

Barthes, Roland. Le bruissement de la langue. Essais critiques IV. Paris : Seuil. 1984.

________. Le plaisir du texte, Paris, Seuil, coll. « points », 1973, 108 p.

________. Essais critiques. Paris : Seuil. 1964.

Blanchot, Maurice. Le livre à venir. Paris, Gallimard, 1959.

________. L’Entretien infini. Paris, Gallimard, 1969.

Bouvier, Nicolas. Le Vide et le plein (Carnets du Japon, 1964-1970), éditions Hoëbeke, 2004.

________. Le Poisson-scorpion. Paris : Gallimard, 1982.

________. L'Usage du monde. Payot poche, 1963.

Carpentier, André. Ruptures. Genres de la nouvelle et du fantastique, Montréal, Le Quartanier, 2007.

* Carver, Raymond. Les feux. Paris : Seuil, 1993.

Cioran, Émile. Précis de décomposition. Paris : Gallimard. 1966.

________. Histoire et utopie. Paris : Gallimard. 1960.

Cortázar, Julio. Épreuves. Paris : Les voies du sud. 1991.

________. Entretiens avec Omar Prego. Paris : Gallimard. 1986.

Deleuze, Gilles et Claire Parnet. Dialogues. Paris : Flammarion, coll. «Champs essais », 1996, 187 p.

Deleuze, Gilles. Qu'est-ce que l'acte de création? Conférence prononcée dans le cadre des mardis de la fondation Femis, 17 mai 1987. Disponible sur le site Les cours de Deleuze à l'adresse http://www.webdeleuze.com/php/texte.php?cle=134&groupe=Conferences&langue=1.

Depussé, Marie. Dieu git dans les détails. La Borde, un asile. Paris : PO L, 2010.

* Dillard, Annie. Apprendre à parler à une pierre. Paris : Christian Bourgois Editeur, 1992, 215 p.

* ________. En vivant, en écrivant. Paris : Christian Bourgois Editeur, 1996 [1989], 122 p.

Djian, Philippe. Ardoise. Paris : Julliard, 2002.

* Duras, Marguerite. Écrire. Paris : Gallimard, 1993.

Ernaux, Annie. Journal du dehors. Paris : Gallimard, 1995.

_____.L'Atelier noir, Paris, éd. des Busclats, 2011.

* _____. Écrire la vie, Paris, Gallimard, 2011.

* Franzen, Jonathan. Pourquoi s'en faire? Paris : Éditions de l'Ollivier, 2003.

Gardner, John. The Art of Fiction: Notes on Craft for Young Writers. Vintage, 1991.

Highstmith, Patricia. L'art du suspens. Pocket noir, 1992.

* Huston, Nancy. Journal de la Création. Paris : Seuil, 1990, 358 p.

Hustvedt, Siri. Vivre, Penser, Regarder. Paris : Actes Sud, 2013.

________. La femme qui tremble, Une histoire de mes nerfs. Paris : Actes Sud, 2013.

* ________. Yonder. Paris : Actes Sud, 2006.

Jacob, Suzanne. Comment, pourquoi? Éditions Trois­ Pistoles, 2003, 84 p.

* ________. La bulle d'encre: essai, Montréal, Boréal, 2001 [1997], 147 p.

King, Stephen. Écriture: mémoires d’un métier. Paris : Le livre de poche, 2003.

* Kundera, Milan. L’art du roman. Paris : Gallimard, 2009.

________. Le Rideau. Paris : Gallimard, 2005.

________. Les Testaments trahis. Paris : Gallimard, 1993.

Laferrière, Dany. J'écris comme je vis. Montréal : Gallimard, 2010.

______. Journal d'un écrivain en pyjama, Montréal, Mémoire d'encrier, 2013 ; Paris, Grasset, 2013.

* Lapierre, René. L'atelier vide. Montréal : Les Herbes rouges, 2003, 149 p.

Levé, Édouard. Autoportrait. Paris : Éditions P.O.L, 2005.

Lodge, David. L'art de la fiction. Paris : Rivages, 2009.

________. Dans les coulisses du roman. Paris : Rivages, 2007.

McKee, Robert. Story. Dixit, 2009.

* Novarina, Valère, Devant la parole, Paris, P.O.L., 1999, 192 p.

Oates, Joyce Carol. La foi d'un écrivain. Paris : Philippe Rey, 2004.

Perec, Georges. Tentative d'épuisement d'un lieu parisien. Paris : Christian Bourgeois, 1982.

* ________. Espèces d'espaces. Paris : Éditions Galilée, 1974.

* Plath, Sylvia. Journaux. Paris : Gallimard, 1999.

Rilke, Rainer Maria. Lettres à un jeune poète. Paris : Folio, 2006.

Robbe-Grillet. Alain. Le miroir qui revient. Paris : Édition de Minuit, 1984.

Robin, Régine. Cybermigrances. Traversées fugitives, Montréal, vlb éditeur, 2004.

Robin, Régine. Le Roman mémoriel. De l’Histoire à l’écriture du hors-lieu. Longueuil, Le Préambule, 1989.

Roth, Philippe. Parlons travail. Paris : Folio, 2006.

Sartre, Jean-Paul. Les Mots. Paris : Gallimard. 1964.

________. Qu’est-ce que la littérature? Paris : Gallimard, 1948.

Sebald, Georges. L'Archéologue de la mémoire. Paris : Actes Sud, 2009.

Woolf, Virginia. L'art du roman. Paris : Points, 2009.

________. Journal d'un écrivain. Paris : 10/18, 1999.


* Ouvrages conseillés

Découvrir Georges Perec



Cette vidéo est une très belle façon de faire connaissance avec la démarche d'écriture de Perec, de voir à quel point elle s'imbrique dans sa vie



Quelques livres de Perec

  • Les Choses : Une histoire des années soixante (Paris : Julliard, 1965) Prix Renaudot.
  • La Disparition (Paris : Denoël, 1969).
  • La Boutique obscure : 124 rêves (Paris : Denoël, 1973).
  • Espèces d’espaces (Paris : Galilée 1974).
  • W ou le souvenir d’enfance (Paris : Denoël, 1975).
  • Tentative d’épuisement d’un lieu parisien (Paris : Christian Bourgois, 1975).
  • La Vie mode d’emploi (Paris : Hachette, 1978) Prix Médicis.
  • Penser Classer (Paris : Hachette, 1985).
  • L’Infra-ordinaire (Paris : Seuil, 1989).
  • Le Voyage d’hiver (Paris : Seuil, 1993).
  • Le Cahier des charges de La Vie mode d’emploi (Paris, Cadeilhan : CNRS, Zulma, 1993).
  • En dialogue avec l’époque et autres entretiens (Nantes : Joseph K., 2012).

Des ressources sur l'autofiction

Une émission consacrée à l'autofiction



Une vidéo d'une trentaine de minutes avec trois écrivains qui soulèvent les enjeux importants de l'autofiction. Une ressource parfaite pour découvrir le genre autofictif et pour réfléchir aux questions littéraires que le genre soulève.
- Alain Farah, professeur à l'Université McGill
- Carl Leblanc, journaliste
- Claire Legendre, professeure à l'Université de Montréal.


Autofiction.org, un site de référence sur l'autofiction

Le site www.autofiction.org est un chantier ouvert sur la littérature autobiographique actuelle. Un retour sur la généalogie de l'autofiction comme genre, des articles et des entrevues d'écrivains emblématiques comme Hervé Guibert, Serge Doubrovsky, Sophie Calle...

mercredi 15 avril 2015

UN CONCOURS D’ÉCRITURE POUR LE THÉÂTRE LA ROULOTTE


RoulotteConcours

LE THÉÂTRE LA ROULOTTE

La Roulotte est née en 1953 d’une collaboration entre Claude Robillard, directeur du Service des Parcs de Montréal, et le comédien et metteur en scène Paul Buissonneau, qui y a d’abord présenté des adaptations de contes connus dans un style inspiré de la commedia dell’arte. Le Théâtre La Roulotte est une scène mobile qui se déplace de parc en parc à Montréal et présente une cinquantaine de représentations extérieures devant des publics familiaux. La Roulotte et ses deux partenaires principaux, le Conservatoire d’art dramatique de Montréal et l’École nationale du théâtre du Canada, ont le plaisir de s’associer pour l’édition 2016 au Centre des auteurs dramatiques afin de lancer ce nouveau concours.
Pour en savoir plus : laroulotte.accesculture.com

LE CONCOURS

Les pièces présentées dorénavant par le Théâtre La Roulotte seront issues d’un concours d’écriture. Ce concours s’adresse aux auteurs en début de parcours afin de favoriser l’émergence de nouvelles écritures jeune public. Le concours consiste à présenter un projet de texte de théâtre jeune public destiné à être produit par le Théâtre La Roulotte à l’été 2016. La sélection du projet gagnant sera effectuée par un comité formé de représentants des partenaires du concours. L’auteur choisi bénéficiera d’un parrainage de 20 heures avec un auteur chevronné en théâtre jeune public sous la coordination du CEAD. Dans son parcours d’écriture, le lauréat pourra aussi travailler avec les finissants en interprétation des écoles de théâtre pour des lectures de vérification. L’auteur sélectionné se verra également attribuer une bourse de 2 500 $ en plus des droits d’auteur qui lui seront versés pour chacune des représentations jouées à l’été 2016.

ADMISSIBILITÉ

Le Concours d’écriture pour le théâtre La Roulotte s’adresse aux auteurs qui ont moins de dix ans de pratique active de l’écriture. Il n’est pas nécessaire d’avoir été produit ou publié pour présenter un projet, ni d’avoir déjà écrit pour le jeune public. Par contre, l’expérience de l’écriture théâtrale est essentielle.

CONSIGNES D’ÉCRITURE

Les consignes à respecter sont les suivantes :
  • Durée d’environ 50 minutes
  • Tranche d’âge visée : de 6 à 11 ans
  • Distribution mixte de 5 comédiens
  • La pièce peut revisiter une œuvre de la littérature intemporelle et universelle (conte, fable, légende, mythe, épopée, roman emblématique) ou être une toute nouvelle création jeune public.
  • Destinée à être jouée en plein air, cette adaptation devra laisser la place à un jeu théâtral physique, clownesque, inspiré de la commedia dell’arte.
Pour ce qui est du reste, laissez libre cours à votre imagination!

LE DOSSIER DE CANDIDATURE

Le dossier de candidature doit être soumis en version électronique et comprendre les éléments suivants :
  • Un curriculum vitæ aussi détaillé que possible, avec mention des coordonnées complètes du candidat (nom, adresse postale, numéro de téléphone, adresse électronique), des pièces publiées, des pièces créées, des textes inédits, des prix littéraires le cas échéant, etc. (ce CV ne sera pas communiqué au jury);
  • Une lettre d’intention non signée, d’une page maximum, sur votre participation au concours (motivations, enjeux du projet, attentes quant au processus d’écriture (parrainage, ateliers));
  • Une description non signée du projet (choix de la fiction revisitée, thèmes abordés, atmosphère visée, description des personnages, style envisagé);
  • Un ou des extraits de textes théâtraux antérieurs soumis de façon anonyme (le tout totalisant un maximum de 10 pages)*;
  • Une scène de 10 pages maximum du projet proposé, soumise de façon anonyme*.
*Les extraits de textes théâtraux antérieurs ainsi que la scène du projet proposé doivent être rédigés à l’ordinateur en Times New Roman, 12 points, interligne 1,5 avec des marges de 2,54 cm. Les documents doivent être paginés. Il est important d’indiquer sur la page titre des textes la date de la version qui est soumise. Les textes doivent être soumis en version électronique seulement (PDF)
Les dossiers de candidature seront soumis au jury de façon anonyme. Les dossiers incomplets ne seront pas considérés. Un accusé de réception sera envoyé aux participants. Seul le lauréat sera contacté.
Faire parvenir le tout à cead@cead.qc.ca avec dans l’objet du courriel « Concours d’écriture pour Le théâtre la Roulotte – Prénom Nom » avant lundi 18 mai 2015 à 17 h

CALENDRIER

Lundi 18 mai 2015 : Date limite pour la présentation d’un projet.
Mi-juin 2015 : Choix de l’auteur gagnant et du parrain en écriture.
Été et automne 2015 : Travail avec le parrain en écriture.
Automne 2015 : Annonce du lauréat du concours.
Lundi 30 novembre 2015 : Dépôt de la première version du texte
Décembre 2015 : Mise en voix de la première version du texte par des finissants en interprétation.
Janvier – fin février 2016 : Poursuite du travail de l’auteur avec le parrain. Possibilité de 3 lectures avec les finissants au profit de l’auteur.
Mars 2016 : Dépôt de la version finale du texte au producteur (Ville de Montréal). Fin du parrainage d’écriture.
Mi mai 2016 : Début des répétitions.
Été 2016 : Présentation du spectacle au Théâtre La Roulotte dans les parcs de Montréal (une cinquantaine de représentations)
Information :
Camille Michel, conseillère au développement de projets Centre des auteurs dramatiques
514-288-3384 # 227 | cmichel@cead.qc.ca
Formulaire: http://blogueaccesculture.com/concours-ecriture-roulotte/

dimanche 15 mars 2015

Exercice d'écriture 7: La mise en fiction de soi

Dans Le miroir qui revient (1984), Alain Robbe-Grillet analyse les passages où il vient de tenter de raconter quelques souvenirs d'enfance et se livre à une impitoyable critique du récit de vie:

« Quand je relis des phrases du genre Ma mère veillait sur mon difficile sommeil, ou Son regard dérangeait mes plaisirs solitaires, je suis pris d'une grande envie de rire, comme si j'étais en train de falsifier mon existence passée dans le but d'en faire un objet bien sage conforme aux canons du regretté Figaro littéraire: logique, ému, plastifié. Ce n'est pas que ces détails soient inexacts (au contraire peut-être). Mais je leur reproche à la fois leur trop petit nombre et leur modèle romanesque, en un mot ce que j'appellerais leur arrogance. Non seulement je ne les ai vécus ni à l'imparfait ni sous une telle appréhension adjective, mais en outre, au moment de leur actualité, ils grouillaient au milieu d'une infinité d'autres détails dont les fils entrecroisés formaient un tissu vivant. Tandis qu'ici j'en retrouve une maigre douzaine, isolés chacun sur un piédestal, coulés dans le bronze d'une narration quasi historique (le passé défini lui-même n'est pas loin) et organisés suivant un système de relations causales, conforme justement à la pesanteur idéologique contre quoi toute mon œuvre s'insurge.»

Face à ces griefs envers le genre autobiographique, de nombreux auteurs se sont tournés vers des formes de mise en fiction de soi, formes que l'on rassemble souvent dans la littérature sous le générique de «l'autofiction».  On peut nommer « autofiction » tous les récits qui ont été écrits par des « mythomanes avoués qui ne croient pas à l’autobiographie, qui ne sont pas dupes, et qui inventent par plaisir » (Philippe Lejeune). Les autoficteurs sont ainsi des êtres nés dans « l’ère du soupçon », pour reprendre l’expression de Nathalie Sarraute, une ère dans laquelle nous recherchons un rapport authentique avec nous-même et avec les autres, mais ne sommes capables de voir que des masques et des zones d’ombre. Pensons à Paul Auster, Christine Angot, Nelly Arcan, Dany Laferrière, Régine Robin ou Marie-Sissi Labreche pour ne nommer qu'eux.

En vous inspirant des exemples distribués en classe, vous écrirez une autofiction en mêlant des éléments fictifs à la réalité pour construire un récit se situant à la frontière entre autobiographie fictive et autobiographie authentique.

mardi 3 mars 2015

Exercice d'écriture 6: Les mots dans l'espace public

Sur un itinéraire d'une quinzaine de minutes, vous relèverez les mots que vous rencontrerez sur votre chemin et les utiliserez comme matériaux pour faire le récit de votre trajet. Un temps de quinze minutes sera réservé pour faire cette marche pendant la classe. Pour ceux qui voudraient écrire leur texte d'avance, j'aimerais que vous choisissiez un itinéraire connu d'une quinzaine de minutes : une marche quotidienne, un trajet de bus fréquent, etc, un déplacement que vous connaissez si bien que vous n'y faites plus attention. 

mercredi 18 février 2015

Colloque sur la littérature actuelle avec plusieurs écrivains québécois

Venez entendre Mathieu Arsenault, Simon Boulerice, Philippe Charron,Dominique Fortier, Daniel Grenier, Perrine Leblanc et Marie Hélène Poitras aborder leur processus d'écriture et réfléchir à la question des territoires, des genres et du numérique dans leur démarche créatrice. 


Exercice d'écriture sur la narration: le temps

À la manière de Georges Perec dans « L'inventaire des lieux où j'ai dormi », décrivez dans un texte court de 30 lignes maximum une chambre dans laquelle vous avez dormi dans votre jeunesse. Rien de plus intime qu'une chambre. Mais pour cet exercice, je vous demande d'évacuer tout ce qui est indiscret et privé et de vous en tenir à la description. Ce qu’on voit de la fenêtre. Les cachettes qu’on s’y fait. Les saisons. Les bruits, bruits de la journée, bruits du dimanche, les bruits de la nuit. Les détails qu’on voit parce qu’on est là longtemps : défauts du sol, inventaire des objets fixes. Ce qu’il y a sur les murs....

Parlez depuis le présent, l'ici et le maintenant, pour évoquer ce souvenir d'une chambre d'enfance afin de jouer sur l'alternance des temps du présent et du passé comme dans l'extrait de Perec:


«À droite, une table de toilette à dessus de marbre, avec une cuvette et un pot d’eau, dont je ne crois pas m’être beaucoup servis.
Je suis presque sûr qu’il y avait une reproduction encadrée sur le mûr de gauche, en face du lit : non pas n’importe quel chromo, mais peut-être un Renoir ou un Sisley.
Il y avait du linoléum sur le sol. Il n’y avait ni table, ni fauteuil, mais peut-être une chaise sur le mur de gauche : j’y jetais mes vêtements avant de me coucher ; je ne pense pas m’y être assis : je ne venais dans cette chambre que pour dormir. Elle était au troisième étage de la maison, je devais faire attention en montant les escaliers quand je rentrais tard pour ne pas réveiller la logeuse et sa famille.

Comme un mot ramené d’un rêve restitue, à peine écrit, tout un souvenir de ce rêve, ici, le seul fait de savoir (sans presque même avoir eu besoin de le chercher, simplement en s’étant étendu quelques instants et ayant fermé les yeux) que le mur était à ma droite, la porte à côté de moi à gauche (en levant le bras, je pouvais toucher la poignée), la fenêtre en face, fait surgir, instantanément et pêle-mêle, un flot de détails dont la vivacité me laisse pantois…»
Georges Perec, Espèces d’espaces, Galilée, 1974.

mardi 17 février 2015

Appel à candidatures pour le magazine Nouveau Projet

Appel à candidatures! Le magazine Nouveau Projet cherche des propositions pour ses prochains bédéreportages.

Vous êtes illustrateur/ice, bédéiste, dessinateur/ice, vous habitez au Québec et vous avez une idée formidable de reportage dessiné pour le magazine (entre 10 et 12 planches)? Que vous travailliez seul(e) ou en tandem avec un(e) journaliste, cela pourrait très fort nous intéresser. Envoyez votre portfolio et un synopsis détaillé avant le 30 mars 2015 à redaction@atelier10.ca. Si votre travail nous plait nous serons ravis de le publier dans un prochain numéro (avec rémunération, bien sûr).
PS: Si vous êtes journaliste ou auteur(e) et que vous avez une bonne idée mais personne pour la réaliser, écrivez-nous toujours, nous pourrions vous mettre en relation avec un dessinateur lui aussi orphelin!

vendredi 13 février 2015

Exercice 5: la narration




Cette semaine, nous allons explorer différents aspects de la narration (le narrateur, le point de vue, le temps du récit...) Nous travaillerons à partir de cette image pour écrire de courts textes de 30 lignes maximum avec différentes contraintes: texte à la première, deuxième ou troisième personne du singulier ou du pluriel ; texte au présent ou au passé ; texte à la forme passive/active ; texte à la forme affirmative/interrogative...


Pour vous préparer, vous disposez des textes distribués la semaine dernière en classe:

  • la narration au «tu» avec l'extrait d'Italo Calvino, Si par une nuit d'hiver un voyageur, 1981.
  • la narration au «je» avec l'extrait d'Anne Gauthier, De dieu et de ma demande de camisole de force, 2005. Dans le recueil de texte, vous avez aussi l'extrait d'Annie Ernaux et d'Edouard Levé, qui font une utilisation particulière, collective ou dépersonnalisée, de la première personne du singulier.
  • la narration au «nous» avec l'extrait d'Agora Kristof, Le grand cahier, 1986.
  • la narration au «vous» avec l'extrait de Marguerite Duras, La maladie de la mort, 1982, qui se trouve dans votre recueil.
  • pour la troisième personne, je vous renvoie à l'extrait de Nathalie Sarraute, Tropismes, 1957 de votre recueil.


  • Pensez aussi à l'extrait de Sophie Divry, La condition pavillonnaire, 2014 que je remets ci-dessous. Sa narration à la deuxième personne et sa variation constante des temps entre présent et passé en font un bon texte de départ pour réfléchir aux questions d'énonciation et de narration:



mardi 3 février 2015

Appels: Ateliers de création et micro-ouvert à La Passe

La Passe est à la fois un atelier typographique et une librairie, un pôle de réflexion et d'action, un cri de ralliement, un tumulte qui s'organise. Elle réside au coeur de la Médiathèque littéraire Gaëtan Dostie. Ce dernier ayant été secrétaire personnel de Gaston Miron et directeur général des éditions Parti-Pris, la Médiathèque conserve plus de 35 000 imprimés, des centaines d’affiches et d’heures de vidéo, témoins de l’effervescence du Québec des années 60 et 70. C’est dans ce milieu culturel que La Passe invite les amateurs de poésie, de musiques d’avant-garde et de contre-culture à se retrouver.


Une fois par mois, La Passe offre les ateliers Vendencres: un micro-ouvert suivi d'un atelier d'écriture. Le prochain a lieu le 18 février à 19h30.

La typographie pour écrire un dialogue

Les règles de mise en page et de typographie dans l’écriture des dialogues

Avant de s’attaquer aux choses amusantes, à savoir le fond du dialogue, il est nécessaire d’évoquer les règles de bases concernant la forme. Allons, inutile de protester : nous commencerons par cette partie relativement peu sexy mais ô combien nécessaire qu’est la typographie ! Car comme tout le reste du texte, il est important que vos dialogues soient correctement mis en page. Cela jouera non seulement sur leur clarté, mais aussi sur l’image que vous dégagerez au lecteur. En effet, un texte dans lequel les dialogues ne sont pas mis en forme correctement aura toutes les chances de passer pour amateur auprès d’un œil averti.
Bonne nouvelle : vous aurez le choix entre deux types de ponctuation EXCLUSIVES (je sais bien qu’elles n’ont rien d’exclusives, mais j’essaie de vous vendre correctement cet article pour ne pas que vous abandonniez la lecture en route !) :

a) Utiliser les guillemets

Selon moi la mise en forme la plus contraignante, mais aussi celle qui plaira le plus aux typographes radicaux ! L’utilisation de nos jolis guillemets françaises (à ne pas confondre avec les guillemets « pattes de lapin » comme disait une ancienne prof de français) permet d’encadrer vos dialogues comme il se doit !
Le guillemet va ouvrir chaque dialogue, mais sera remplacé par un tiret durant les répliques suivantes. Un nouveau guillemet viendra fermer le dialogue, comme ceci :
« Yo ! Comment vas-tu ? [Début du dialogue : j’ouvre les guillemets]
 Je vais super bien, yo ! [Première réplique : j’utilise le tiret]
 Cool, yo ! » [Deuxième et dernière réplique, introduite par un tiret. Fin du dialogue : je ferme les guillemets]
(Bon, certes, ce dialogue n’est pas brillant : mais concentrez-vous sur la forme !)
Là où l’usage des guillemets est plus fatiguant, c’est lorsque vos dialogues ne sont pas de simples répliques posées les unes à la suite des autres, mais qu’elles sont habilement entrecoupées d’incises narratives. Si l’incise est courte, et donc accolée à la réplique (par exemple le classique : « ,dit-il. » ), alors vous n’aurez pas à fermer les guillemets. En revanche, dès lors que vous utilisez une phrase narrative complète, il faudra fermer, puis rouvrir les guillemets. Dans notre brillant exemple, cela donnerait donc :
 « Yo ! Comment vas-tu ? lança Gérard avec entrain. [L’incise est courte, je ne ferme pas les guillemets]
— Je vais super bien, répondit Michel en bombant le torse, yo ! » [Nouvelle incise courte]
Heureux de cette nouvelle, Gérard décide de chanter sa joie. [Incise longue (phrase entière), j’ai donc fermé les guillemets à la fin de la réplique précédente.]
« Cool, yo ! », finit-il néanmoins par déclarer, heureux de mettre fin à ce dialogue honteux. [J’ouvre à nouveau les guillemets pour reprendre et terminer le dialogue. Je ferme les guillemets avant l’incise courte car le dialogue est cette fois-ci terminé.] 

b) Utiliser les tirets

Notre deuxième option est un poil plus conciliante, puisqu’elle consiste en l’utilisation exclusive de tirets. Finies les questions existentielles du type « Où dois-je fermer ces saloper*es de guillemets « , ou encore « J’ai déjà fermé les guillemets là ou pas ? « . Ce choix est de plus en plus choisi dans l’édition actuelle, certainement mis au goût du jour par une sinistre machination américaine.
L’idée est de commencer un dialogue par le tiret. Sans guillemet d’ouverture, vous n’aurez pas non plus à intégrer de guillemet de fermeture. Vous êtes tranquille !

c) Petites règles à retenir

Que vous choisissiez la première ou la seconde méthode (le choix est totalement vôtre), il reste quelques règles générales à retenir pour ne pas vous louper sur la typographie :
  • Utiliser le tiret cadratin : Je suis un très mauvais exemple car je l’utilise rarement, mais sachez que le tiret à utiliser pour les dialogues n’est pas un bête « tiret du 6 « , mais un tiret cadratin, à savoir ceci : —. Pour le taper, il « suffit » généralement de combiner les touches Ctrl+Alt+Tiret du pavé du numérique.
  • Les espaces : Un guillemet est toujours encadré par des espaces. Il faut également toujours laisser un espace après le tiret.
  • Les incises : Les incises sont les précisions narratives que vous pouvez glisser après un dialogue, le fameux « dit-il » par exemple. Sachez qu’une incise ne commence jamais par une majuscule. Si votre réplique se termine par un point, l’incise sera introduite par une virgule (la phrase « — Je vais bien.  » donnera ainsi « — Je vais bien, dit-il.  » ). Si votre réplique se termine par un point d’interrogation ou d’exclamation, l’incise sera placée directement après, sans majuscule (la phrase « — Comment vas-tu ?  » deviendra alors « — Comment vas-tu ? demanda-t-il.  » ). Méfiez vous des correcteurs orthographiques qui insistent bien souvent pour placer des majuscules en début des incises !

d) Écrire des répliques longues

Je profite d’une question posée dans les commentaires pour évoquer le cas desrépliques longues dans un dialogue. Si d’aventure l’un de vos personnages devient trop prolixe et entame un dialogue long ou un discours interminable, il se peut que vous ayez à passer un paragraphe dans une réplique de dialogue. En effet, une réplique trop longue d’un personnage peut vite enlaidir une mise en page.
Il vous faudra alors introduire le second paragraphe d’une même réplique (et les suivants) par un signe qui précise qu’il s’agit toujours du dialogue. La tradition typographique employait alors une guillemet fermante (»), ce qui ironiquement paraît assez choquant aujourd’hui. Vous pouvez donc également utiliser une guillemet ouvrante («) au début du nouveau paragraphe.
Enfin, libre à vous de créer votre propre mise en page pour une réplique longue, l’essentiel est que votre second paragraphe de réplique soit facilement distingué d’unparagraphe de narration. Par ailleurs, vous devez vous tenir à une seule mise en page pour les répliques longues tout au long d’un ouvrage.
Je vais vous donner ici un exemple de dialogue avec une réplique longue, en utilisant la guillemet ouvrante :
— Oh non, Gérard, lança Michel en grimaçant, je sens que tu vas encore nous faire une de ces longues tirades dont tu as le secret ! [j’utilise ici une mise en page « moderne » sans guillemets d’ouverture]
— Moi, faire de longues tirades ? s’offusqua Gérard, vexé. Tu plaisantes ? Jamais, ô grand jamais on ne m’a accusé avec une telle fourberie. Incision et rapidité de propos sont les qualités qu’on m’attribue régulièrement. Les longues tirades sont pour les pleutres, pour les politiciens, pour les menteurs ! Comment toi, ami de longue date, peux-tu ne serait-ce qu’oser insinuer que mes répliques sont longues ?[Premier paragraphe d’une longue réplique]
« A la vérité, mon cher ami Michel, je pense que tu es jaloux. Jaloux de ma prestance, jaloux de mon charisme. Ô, toi, qui aime parler pour ne rien dire, tu as du mal à concevoir que je sois à ce point capable de rendre mes phrases concises et claires ! Mais je ne t’en veux pas Michel, car je reste magnanime en toute circonstance. A ce propos : de quoi parlait-on, déjà ? [Second paragraphe et fin de la longue réplique. Je n’ai pas utilisé ici de guillemet fermante à la fin de la réplique car ma mise en page est moderne (avec tirets uniquement). La guillemet ouvrante n’a donc servi qu’à montrer que nous étions toujours dans le dialogue. Si nécessaire, vous pouvez ajouter autant de paragraphes que voulu. Chaque nouveau paragraphe sera introduit par une guillemet ouvrante]
— Gérard, tu es un incorrigible fripon ! s’amusa Michel, qui ne pouvait décidément pas en vouloir à son ami. [La longue réplique de Gérard est terminée, j’utilise donc un tiret pour indiquer que c’est son interlocuteur Michel qui a repris la parole] 
Source: http://lesoufflenumerique.com/2012/10/23/typographie-ecrire-des-dialogues/

Exercice 4 - Le récit non-fictif

À partir d'un fait divers ou d'un événement réel, écrivez un récit de 1400 mots maximum.

Définition du récit non-fictif pour le concours Radio-Canada :
Les «  récits  » comprennent autant les mémoires, les biographies, les textes humoristiques, que les essais (y compris les essais personnels), les récits de voyage et les articles de fond. L'histoire décrite doit être réelle et vécue, et l'auteur doit transmettre son message en utilisant des techniques littéraires (description des personnages et des lieux, intrigue, dialogues, récit et réflexion personnelle). Le récit doit clairement faire ressortir le point de vue de l'auteur. Les œuvres doivent être écrites dans un langage accessible au grand public (et non à un public de spécialistes ou  d'universitaires).



Exemples de récits non-fictifs:

Les lauréats du prix Radio-Canada des années précédentes. 
Les récits anonymes du site Raconterlavie.fr
Les essais et histoires de David Sedaris sur le New Yorker


Les adaptations cinématographiques d'oeuvres inscrites dans le journalisme narratif:

Truman Capote de Benett Miller
Las Vegas Parano de Terri Gilliam (adapté du livre de Hunter S. Thomson)
Gonzo: The Life and Work of Dr. Hunter S. Thompson, un documentaire sur le journlaisme gonzo de Hunter S. Thomson

mardi 27 janvier 2015

Exercice 3 - Le dialogue

Écrivez un court dialogue en vous inspirant de la célèbre peinture d'Edouard Hopper 
- contraintes: 1 page maximum 
                        Faîtes sentir au lecteur la présence de tous les personnages du tableau)

Pour vous préparer, vous pouvez lire les extraits des textes de La Maladie de la mort de Marguerite Duras, Rencontres avec Samuel Beckett de Charles Juliet et Marelle de Julio Cortazar qui se trouvent les uns à la suite des autres dans le recueil. Ce sont trois textes qui travaillent le dialogue de manière très singulière. Le dialogue dans la nouvelle «Débranchés» de Carver est aussi un bon modèle de dialogue qui fonctionne. Regardez comment ces écrivains utilisent la typographie. À quelle fréquence et comment donnent-ils des indications sur les personnages qui parlent? À quoi servent ces dialogues?

Edouard Hopper, Nighthawks, 1942

ENTRETIEN DE MATHIEU BÉLISLE AVEC RAYMOND BOCK

Un entretien publiée dans la revue L'Inconvénient:

Raymond Bock, permettez-moi de vous dire d’emblée qu’à mes yeux Atavismes constitue le livre majeur des dernières années parmi les auteurs de la relève littéraire québécoise. On y trouve ce qui fait le secret des grands livres : un style maîtrisé – des « styles » devrais-je plutôt dire, puisque vous adoptez, dans les treize nouvelles qui forment ce recueil, des styles, des tons, de niveaux de langue extrêmement variés, qui témoignent de l’éventail très vaste de vos possibilités d’écriture. On trouve aussi dans ce livre un véritable propos, que les nouvelles (vos « histoires »), loin d’éparpiller ou de faire éclater, se trouvent à approfondir suivant des directions variées. En un sens, dirais-je, votre livre témoigne d’une remarquable cohérence thématique, une cohérence peut-être plus forte encore que dans un roman puisque les treize histoires se trouvent à emprunter treize voies (et voix) différentes pour réfléchir aux rapports qui se tissent entre le présent et le passé – et même, dans le cas d’une nouvelle futuriste, « Effacer le tableau », entre passé, présent et avenir. On trouve enfin dans vos textes une force exceptionnelle d’évocation. Je garde le souvenir de scènes étonnantes, marquantes : un vieillard maltraité au cours d’une virée dans le Nord, un professeur d’histoire méditant sur un pont, une maison envahie par les champignons et la vermine, un père angoissé qui regarde des photos en songeant à l’avenir de son enfant, un couple qui se bagarre dans la neige pendant que sa maison brûle, et ainsi de suite.
Commençons une question générale : comment vous est venue l’idée de ce recueil? Aviez-vous, dès le départ, une idée du « propos », des « enjeux » dont vous vouliez traiter? Et puis, dans l’écriture d’une nouvelle, qu’est-ce qui s’impose à vous d’abord : est-ce une image forte, du genre de celles que je viens d’évoquer? Une voix, un personnage, une sensation?
L’idée du recueil ne m’est apparue qu’en cours d’écriture. J’avais commencé une maîtrise en création avec un projet en poésie, mais la prose de fiction s’était déjà imposée grâce à Paul Bélanger, éditeur au Noroît mais surtout lecteur essentiel, qui avait dirigé un atelier de prose que j’avais suivi au bac. J’ai eu un élan imprévu et j’ai enfilé les nouvelles l’une après l’autre, si bien que j’ai publié mon livre avant même de finir ma maîtrise, avec l’idée de revenir plus tard à la poésie. Je n’avais pas de projet d’emblée. Mais chaque nouvelle terminée déterminait par élimination ce que les autres ne devaient pas être. Une exigence de faire autre chose chaque fois, une nouvelle focalisation, un genre différent. Les propos, les idées, les enjeux mis en scène dans mes textes ne sont pas téléguidés, ils apparaissent par eux-mêmes parce qu’ils habitent celui que je crois être, un homme ambivalent, aux antipodes toujours présents. Et les nouvelles se construisent par accident. Parfois c’est la scène finale qui m’apparaît en premier, comme dans « L’appel » : j’avais imaginé un couple condamné en plein hiver à demeurer, pour survivre, tout près de leur maison en flammes; ou dans  « Carcajou », où je savais qu’un homme attaché à un arbre allait se faire démolir. Tout le défi de l’écriture était de me rendre à ces destinations, sans avoir choisi d’avance les chemins qui m’y mèneraient. Mais d’autres textes se construisent par eux-mêmes sans préméditation, et on le sent je crois dans la progression de la lecture. Je pense ici au « Ver » ou à « Effacer le tableau », par exemple. C’est là le péril de l’écriture, de s’aventurer dans le bois sans savoir si on trouvera un sentier adéquat, avec au fond de soi la force, peut-être encore ignorée, de bûcher son propre chemin si le branchage est trop dense. 
La parution d’un recueil sur les « atavismes », à une époque de vitesse, d’instantanéité et de culture du présent, me paraît très significatif. On trouve dans vos nouvelles un double mouvement, qui témoigne d’une tension remarquablement féconde. D’un côté, il y a cette envie, chez certains personnages, de liquider le passé, trop lourd, trop envahissant (comme dans « Le ver ») ou alors l’impression que le passé est une prison où les mêmes gestes, les mêmes situations, sont appelés à se répéter (comme dans « Effacer le tableau », dont la finale est d’un comique désespérant). Mais d’autre part, ce que vous montrez par votre livre, sans jamais verser dans la complaisance nostalgique, c’est à quel point le présent ne saurait se défaire du passé, ne saurait être compris sans lui, à moins de rêver d’un présent libéré, léger, sans détermination, et par là même, vidé de toute substance. N’y a-t-il pas là, à vos yeux, une sorte de « vérité » qui vaut aussi bien pour l’écrivain que pour l’individu contemporain?
Ce qui différencie le vrai du faux est parfois bien mince, et j’ai moi-même l’impression, en tant qu’homme qui se croit pourtant foncièrement honnête, d’induire tout le monde en erreur autour de moi, et moi-même très souvent. Et la littérature ne permettra jamais d’élucider les énigmes, au contraire, elle nous forcera à nous poser sans cesse de nouvelles questions. Je me sens parfois bien seul dans mon historicité, dans la conscience immédiate de mon histoire familiale, et dans l’intérêt que je porte aux autres histoires un peu plus éloignées de moi, la collective, la politique, la nationale, la culturelle, l’artistique, la sportive, l’industrielle, il y en a tant, qui sont interdépendantes il va sans dire. La présence du passé dans mes textes n’est pas accidentelle : comme le recommande Hemingway, j’écris à propos de ce que je connais, et l’histoire m’a toujours absorbé, j’ai toujours eu de l’aisance avec la quincaillerie historique, les dates, la géographie, les époques, les tournants majeurs, etc. C’est par elle que j’ai appris la politique. S’il n’y a pas de nostalgie dans mes textes, c’est que je ne crois pas que c’était donc mieux dans le bon vieux temps. L’histoire du Québec est frustrante à plusieurs égards, mais elle est aussi réjouissante par moments, et de tout temps le pire comme le meilleur s’est produit ici. Même si la tentation est parfois très forte, vouloir liquider le passé est vain, car on n’élimine pas par la même occasion ce qu’il y a en nous qui en provient. Ç’a été l’une des erreurs de la Révolution tranquille, à mon avis.
Êtes-vous sûr qu’il faut voir chez les artisans de la Révolution tranquillle un désir de liquidation du passé? Ou alors : ne peut-on pas voir aussi dans ce mouvement une tentative de réinterprétation et de réappropriation du passé, un projet de redéfinition de la mémoire collective dans un sens différent de celui qui avait jusque-là été suivi?
C’est vrai, vous faites bien de tempérer. La brisure est moins nette que ce que la découpure synthétique de l’histoire le laisse croire. Oui, on interprétait le passé avec un nouveau point de vue, comme si d’une certaine manière la parole avait attendu et attendu son moment et que soudain elle avait pu apparaître comme un élastique qui se relâche enfin. Les intellectuels de Parti pris posaient des gestes de rupture assumés. « Notre vérité, nous la créerons en créant celle d’un pays et d’un peuple encore incertains », voilà ce que le texte «Présentation» du premier numéro de 1963 réclamait : le verbe de création au futur comme au participe présent, une parole québécoise opposée aux «radotages» canadiens-français. Il y avait bel et bien une volonté de liquidation parce que l’urgence du présent obnubilait le reste. Peut-être plus radicale encore comme liquidation, il s’est opéré un changement d’identité : les Canadiens français sont devenus des Québécois. Une frontière a été officialisée par un nom. Pas étonnant qu’on ait noirci à ce point le passé immédiat. Pourtant la Révolution tranquille n’a pas été que le fait de jeunes ouvertement socialistes qui prenaient parole parce qu’elle leur était donnée alors qu’ils arrivaient à l’âge adulte au bon moment. Elle a été aussi, sinon plus, le fait de gens déjà mûrs, qui avaient vécu leur jeunesse durant la Deuxième guerre et dans la prospérité de l’après-guerre, où s’affirmait un État providence déjà à l’œuvre depuis la Crise, où le féminisme avait  regagné le droit de vote des femmes perdu sous l’Union, où le syndicalisme avait pris racine. Le Québec de ladite Grande noirceur était déjà moderne, il n’avait tout simplement pas encore percé dans l’imaginaire, car le spectacle en cours était justement celui d’un passé qu’on cherchait à garder présent, d’une religiosité de parade et de coups de mains contre les criminels de ruelle. Le regard de la Révolution tranquille sur le passé a été celui d’un nouveau célibataire : pour guérir de l’autre, il faut le désinvestir. Les défauts prennent vite toute la place.
« Le pont » est à mon avis l’une des nouvelles les plus fortes de votre recueil, celle où se trouvent résumées, condensées, les préoccupations qui animent vos personnages et vos histoires. François, un jeune professeur d’histoire, est envahi par des questions qui le dépassent – c’est le moins qu’on puisse dire – et qui portent sur l’énigme de la mémoire. Où se cachent les souvenirs? Comment se rappelle-t-on du passé? Vous écrivez : « Peut-être que les infinis détails de nos souvenirs sont là, en tout temps, en puissance, mais qu’ils ne se dévoilent qu’avec la maturité, avec l’expérience de vie, avec la somme de tout ce présent qui ne cesse, à chaque instant disparu, d’aller augmenter le passé. Il faut être mûr pour rendre justice à la mémoire ». J’ai eu souvent le sentiment en vous lisant d’entrer dans un univers étonnamment mature, aussi bien sur le plan de l’écriture que du traitement de vos personnages. Je dis « étonnament », parce que ce qui est souvent attendu des jeunes auteurs est qu’ils fassent « jeunes »; or, à vous lire, j’ai eu l’impression – et voyez-y de ma part une forme de compliment – d’entrer dans l’intimité d’une « vieille âme ». Vous reconnaissez-vous dans cette description? Et d’où vient cette fascination pour les souvenirs, pour ce qui se perd et ce qui continue?
En tant qu’homme sanguin, je trouve plutôt que je manque souvent de la sagesse des vieilles âmes! Mais c’est vrai qu’on me dit souvent de mon écriture qu’elle est mature, alors j’imagine que ça doit être le cas, même si ma pratique de la prose est assez récente. J’ai écrit exclusivement de la poésie pendant dix ans, sans parvenir à grand-chose avec ça, mais cela a certainement développé mon oreille. Quand je suis passé à la prose, ç’a déboulé tout seul.
Pour la question de la maturité de mes thèmes, je ne sais trop comment vous répondre. Je lis mes contemporains de mon âge, et je vois aussi de ces thèmes dans leurs œuvres. Mais bon, je dois admettre que le décès de mes grands-parents et le fait d’être devenu père peu après a changé ma perception des choses. En fait, m’ont donné une perception des choses. Pour un incroyant, ces événements qui ouvrent sur des questions métaphysiques peuvent être bouleversants. Ne plus être le dernier maillon d’une chaîne vous fait prendre conscience à la fois de votre insignifiance et de votre importance, et certainement vous fait voir différemment l’amour que vous portent vos propres parents. Sans doute y a-t-il là une des clés pour comprendre pourquoi, très intuitivement, j’écris sur la filiation.
Pour ma fascination pour les souvenirs, je dois admettre avoir été marqué par le Funès de Borges, dont vous avez relevé la référence dans « Le pont ». Ce que ce texte nous dit, en représentant une mémoire parfaite qui tue, c’est qu’au fond la mémoire qui nous permet de rester en vie est faussée, menteuse, sélective, perverse parfois. Je trouve qu’il y a là un sujet intarissable, justement parce qu’on n’ira jamais assez loin en soi.
La mémoire serait toujours, en somme, une sorte de recréation…
Sans doute. Chaque fois que vous repensez à une souvenir il vous apparaît différent, avec de nouvelles couleurs, de nouveaux sons, des protagonistes dont vous aviez oublié la présence. Tous auront un point de vue différent sur une situation vécue en commun et des détails partagés pourraient venir contaminer votre propre remémoration de l’événement. Un événement historique ou un souvenir de famille ont tous un potentiel littéraire à focalisation multiple.
Vous explorez plusieurs des grands thèmes qui ont marqué l’imaginaire de la littérature québécoise : le rapport à une nature toute-puissante – au froid infernal, par exemple –  où la culture n’est pas d’un grand secours; le rapport problématique à une histoire collective faite d’échecs (la révolte des Patriotes, la colonisation de l’Abitibi, les tentatives révolutionnaires); la présence de certains lieux qui ont atteint au Québec la stature de véritables personnages : le fleuve, les forêts, les espaces nordiques. En un sens, une partie de votre livre (je dis bien : une partie) permet de renouer avec ce que l’on pourrait appeler une littérature « néo-régionaliste » ou une littérature « régionaliste critique », pour faire la distinction d’avec une littérature régionaliste idéaliste, idéaliste. Dans « Dauphin », votre narrateur parle d’ailleurs de « montrer tous les dessous du terroir ». Peut-on voir là l’expression de vos préoccupations?
On m’associe effectivement à ce courant néo-régionaliste, et je conçois pourquoi, même si j’aimerais bien m’en dissocier. J’ai plutôt cherché à toucher le Québec (je dirais même l’Amérique française) à une échelle la plus large possible, géographiquement et historiquement, alors que le régionalisme est plus spécifique, concentré sur une région en particulier. Ce sont des préoccupations, oui, parce que mon intérêt pour l’histoire m’a mené sur ces pistes, mais surtout parce que j’ai travaillé durant sept ans au laboratoire Imaginaire|Nord à l’UQAM en tant qu’auxiliaire de recherche, et que ces thèmes se sont tout naturellement inscrits en moi : nordicité, hivernité, autochtonie, récits de voyages, figures emblématiques de l’imaginaire, etc. J’ai écrit en quelque sorte sous l’influence de mon travail.
Je comprends que vous ne vouliez pas voir votre travail placé sous une certaine étiquette. Le mot « régionaliste » est sans doute mal choisi, dans la mesure où il renvoie à un type de littérature particulièrement connoté. Aussi, que pensez-vous de la formule de Miguel Torga, écrivain portugais : « L’universel, c’est le local moins les murs »? Ne décrit-elle pas ce que vous cherchez à faire?
L’étiquette en elle-même n’est pas négative du tout, à preuve la qualité des œuvres sur laquelle elle attire l’attention. C’est simplement que je ne me sens pas régionaliste. Je me sens profondément montréalais, j’ai grandi dans les ruelles de Rosemont, j’ai vécu dans Mercier, Villeray, Ahuntsic. Ces auteurs qu’on dit néo-régionalistes écrivent sur là d’où ils viennent : l’Arvida d’Archibald, les Cantons de Messier sont des lieux qu’ils investissent si bien dans la littérature parce qu’ils y ont vécu et y retournent régulièrement. Ils fréquentent l’esprit du lieu. Avec Atavismes j’ai l’impression d’avoir à bien des égards parcouru un territoire imaginaire.
Le mot de Torga me fait penser aux œuvres de Halldór Laxness : il écrit sur l’Islande, un pays dont on méconnaît l’histoire, la géographie et la culture, mais tout se révèle avec une telle justesse qu’il n’y a pas de résistance à la lecture. Il est très proche de Ferron par l’intelligence qu’il a de son pays et par l’amour qu’il porte aux gens qui le font. Quand on est aussi profondément imprégné de l’esprit du lieu, j’imagine que les murs sont déjà tombés.
Contrairement à nos voisins du Sud, qui sont entrés en Amérique comme dans une terre vierge, en vertu d’une sorte d’amnésie volontaire qui leur a permis d’embrasser pleinement le « monde des commencements », est-ce que le Québec n’est pas, n’a pas toujours été incapable « d’effacer le tableau », pour reprendre le titre de l’une de vos histoires? Peut-on penser que ce sont ces persistances, ces attaches jamais rompues qui empêchent, qui ont toujours empêché le Québec de vivre pleinement le « rêve américain »?
Pourtant le récit du premier voyage de Jacques Cartier est bâti sur le topos du locus amoenus antique, qu’on redécouvrait à la Renaissance. En ce sens le Canada de Cartier est présenté, dans les premières pages du moins, comme le jardin d’Éden. Il y avait bien cette idée d’un monde des commencements, mais effectivement, le rêve américain ne pas s’est matérialisé, si vous faites allusion à la Conquête et à la souveraineté irréalisée, et je ne sais pas comment l’expliquer. Tant de facteurs concurrents ont joué dès le départ. Les choix politiques de la métropole, certes, mais aussi simplement le hasard et la malchance. Les hivers terribles qui ont nui aux premières tentatives de colonisation de Cartier et Roberval en sont. Il y avait de quoi décourager l’occupation du territoire. Je ne crois pas répondre très bien à votre question…
Ce que je veux dire, c’est que le Québec peine à entrer dans sa propre histoire (ou à « faire » sa propre histoire), en raison notamment de la persistance de ses dépendances diverses (à la France, à l’Angleterre, au Canada). Mais ne peut-on pas dire que ce que le Québec – et ce qui fait sa culture, son identité, sa littérature – perd en capacité d’action ou de présence à l’histoire, il le gagne – ou pourrait le gagner – en conscience? Être un témoin du temps qui passe, avoir la conscience de la fragile durée, n’est-ce pas là une manière de contribuer, non sans distance ou décalage, à l’écriture de l’histoire?
J’aurais tendance à croire plutôt que si le Québec gagnait en conscience il augmenterait sa capacité d’action et présence à l’histoire, non? Je saisis mal votre question. Chose certaine c’est que j’ai l’impression que les Québécois d’aujourd’hui connaissent mal leur culture et leur histoire, mais n’est-ce pas un phénomène général? Les Canadiens, les Américains de notre génération connaissent-ils mieux les leurs?
Je ne pense pas seulement ici à la connaissance de l’histoire et de la culture. Je pense aussi à la difficulté pour le Québec de définir sa propre histoire, aux « ratages », aux échecs qui ont marqué ses diverses tentatives d’affirmation collective. Ces ratages, ces échecs, aussi douloureux qu’ils soient, ne donnent-ils pas accès à une conscience singulière et par là même précieuse, à ce que l’on pourrait appeler le revers ou l’envers de la « grande » histoire, le revers ou l’envers de celle qui est écrite, comme le veut l’adage, par les vainqueurs?
Sûrement que la position flottante du Québec donne accès à une conscience historique polymorphe, ne serait-ce, pour réduire sa complexité à l’extrême, parce que l’histoire du Québec est à la fois celle de vainqueurs et de vaincus. Mais pour accéder à son envers, vous faites bien de parler de conscience singulière, et il faut considérer la singularité dans toutes ses acceptions. Cela me fait penser à ce très beau texte de Stig Dagerman intitulé «Le destin de l’homme se joue partout et tout le temps» : «Parler de l’humanité, c’est parler de soi-même. […] Personne ne peut dire que l’être humain est mauvais sans avoir lui-même commis de mauvaises actions. En ce domaine, toute observation doit être faite in vivo. Tout être vivant est prisonnier à perpétuité de l’humanité et contribue par sa vie, qu’il le veuille ou non, à accroître ou à amoindrir la part de bonheur et de malheur, de grandeur ou d’infamie, d’espoir et de désolation, de l’humanité.
C’est pourquoi je puis oser dire que le destin de l’homme se joue partout et tout le temps et qu’il est impossible d’évaluer ce qu’un être humain peut représenter pour un autre.»                                     
Dans « Peur pastel », votre narrateur est un jeune père inquiet, sensible, qui passe à travers une série de photographies anciennes et récentes et retrace ainsi une partie de son histoire. Il a des propos particulièrement durs à l’endroit de la société actuelle (il parle de « l’ubiquité du grand guignol », de « la victoire des chiffres sur les lettres »). L’avenir est pour lui source d’angoisse. « J’attends la catastrophe, le grand chaos », affirme-t-il encore. Voyez-vous dans cette attitude un cas isolé ou en faites-vous plutôt un cas d’espèce, représentatif d’une manière de voir l’avenir propre à notre génération?
Non, je ne veux pas me faire le porte-parole d’aucun groupe. Ce texte parle du désespoir d’un seul homme, de son angoisse légitime de savoir la vie si fragile, de son inquiétude quant à l’avenir de son enfant. Mais c’est justement ce qui est intéressant avec ce texte et la réaction qu’il suscite : il a été écrit dans une grande intensité, c’est une mise en danger personnelle, et en m’approchant de ma propre vérité subjective, j’ai touché quelque chose qui résonne chez les autres. Beaucoup de jeunes parents qui ont lu mon texte m’ont dit qu’ils l’avaient trouvé particulièrement juste. Il y a forcément quelque chose de commun dans notre désespoir respectif.
J’ai noté dans votre livre l’influence de Borges. Dans « Le pont », décidément une nouvelle riche, le narrateur nous parle des lectures de François, qui songe à Funès, un personnage d’une nouvelle de Borges (« Funès ou la mémoire », dans le célèbre recueil Fictions), un personnage qui, après un accident de cheval qui lui confère le privilège d’une mémoire infaillible, meurt de s’être trop souvenu. Je pense également au « Voyageur immobile », où vous racontez l’histoire d’un homme qui peut, grâce à un talisman inuit, retourner n’importe où dans le passé, y compris dans le sien, au risque de se démultiplier. Voyez-vous dans Borges une sorte de modèle ou une inspiration? Y a-t-il d’autres écrivains, d’autres œuvres que vous admirez?
Certainement. J’en ai parlé un peu plus tôt en répondant à votre question sur les souvenirs. Je n’ai jamais lu personne qui parvenait à représenter dans la fiction l’idée de l’infini aussi bien que Borges. Cortázar et lui sont demeurés près de moi durant la rédaction d’Atavismes, et m’ont influencé pour les questions de la circularité du temps, l’idée de la mémoire, pour les considérations politiques aussi, et bien sûr pour leur maîtrise sans pareille de la forme courte. J’ajoute que je connais mal la littérature fantastique, et que mes tentatives dans le genre sont inspirées de leur réalisme magique.
Merci!