Les règles de mise en page et de typographie dans l’écriture des dialogues
Avant de s’attaquer aux choses amusantes, à savoir le fond du dialogue, il est nécessaire d’évoquer les règles de bases concernant la forme. Allons, inutile de protester : nous commencerons par cette partie relativement peu sexy mais ô combien nécessaire qu’est la typographie ! Car comme tout le reste du texte, il est important que vos dialogues soient correctement mis en page. Cela jouera non seulement sur leur clarté, mais aussi sur l’image que vous dégagerez au lecteur. En effet, un texte dans lequel les dialogues ne sont pas mis en forme correctement aura toutes les chances de passer pour amateur auprès d’un œil averti.
Bonne nouvelle : vous aurez le choix entre deux types de ponctuation EXCLUSIVES (je sais bien qu’elles n’ont rien d’exclusives, mais j’essaie de vous vendre correctement cet article pour ne pas que vous abandonniez la lecture en route !) :
a) Utiliser les guillemets
Selon moi la mise en forme la plus contraignante, mais aussi celle qui plaira le plus aux typographes radicaux ! L’utilisation de nos jolis guillemets françaises (à ne pas confondre avec les guillemets « pattes de lapin » comme disait une ancienne prof de français) permet d’encadrer vos dialogues comme il se doit !
Le guillemet va ouvrir chaque dialogue, mais sera remplacé par un tiret durant les répliques suivantes. Un nouveau guillemet viendra fermer le dialogue, comme ceci :
« Yo ! Comment vas-tu ? [Début du dialogue : j’ouvre les guillemets]— Je vais super bien, yo ! [Première réplique : j’utilise le tiret]— Cool, yo ! » [Deuxième et dernière réplique, introduite par un tiret. Fin du dialogue : je ferme les guillemets]
(Bon, certes, ce dialogue n’est pas brillant : mais concentrez-vous sur la forme !)
Là où l’usage des guillemets est plus fatiguant, c’est lorsque vos dialogues ne sont pas de simples répliques posées les unes à la suite des autres, mais qu’elles sont habilement entrecoupées d’incises narratives. Si l’incise est courte, et donc accolée à la réplique (par exemple le classique : « ,dit-il. » ), alors vous n’aurez pas à fermer les guillemets. En revanche, dès lors que vous utilisez une phrase narrative complète, il faudra fermer, puis rouvrir les guillemets. Dans notre brillant exemple, cela donnerait donc :
« Yo ! Comment vas-tu ? lança Gérard avec entrain. [L’incise est courte, je ne ferme pas les guillemets]— Je vais super bien, répondit Michel en bombant le torse, yo ! » [Nouvelle incise courte]Heureux de cette nouvelle, Gérard décide de chanter sa joie. [Incise longue (phrase entière), j’ai donc fermé les guillemets à la fin de la réplique précédente.]« Cool, yo ! », finit-il néanmoins par déclarer, heureux de mettre fin à ce dialogue honteux. [J’ouvre à nouveau les guillemets pour reprendre et terminer le dialogue. Je ferme les guillemets avant l’incise courte car le dialogue est cette fois-ci terminé.]
b) Utiliser les tirets
Notre deuxième option est un poil plus conciliante, puisqu’elle consiste en l’utilisation exclusive de tirets. Finies les questions existentielles du type « Où dois-je fermer ces saloper*es de guillemets « , ou encore « J’ai déjà fermé les guillemets là ou pas ? « . Ce choix est de plus en plus choisi dans l’édition actuelle, certainement mis au goût du jour par une sinistre machination américaine.
L’idée est de commencer un dialogue par le tiret. Sans guillemet d’ouverture, vous n’aurez pas non plus à intégrer de guillemet de fermeture. Vous êtes tranquille !
c) Petites règles à retenir
Que vous choisissiez la première ou la seconde méthode (le choix est totalement vôtre), il reste quelques règles générales à retenir pour ne pas vous louper sur la typographie :
- Utiliser le tiret cadratin : Je suis un très mauvais exemple car je l’utilise rarement, mais sachez que le tiret à utiliser pour les dialogues n’est pas un bête « tiret du 6 « , mais un tiret cadratin, à savoir ceci : —. Pour le taper, il « suffit » généralement de combiner les touches Ctrl+Alt+Tiret du pavé du numérique.
- Les espaces : Un guillemet est toujours encadré par des espaces. Il faut également toujours laisser un espace après le tiret.
- Les incises : Les incises sont les précisions narratives que vous pouvez glisser après un dialogue, le fameux « dit-il » par exemple. Sachez qu’une incise ne commence jamais par une majuscule. Si votre réplique se termine par un point, l’incise sera introduite par une virgule (la phrase « — Je vais bien. » donnera ainsi « — Je vais bien, dit-il. » ). Si votre réplique se termine par un point d’interrogation ou d’exclamation, l’incise sera placée directement après, sans majuscule (la phrase « — Comment vas-tu ? » deviendra alors « — Comment vas-tu ? demanda-t-il. » ). Méfiez vous des correcteurs orthographiques qui insistent bien souvent pour placer des majuscules en début des incises !
d) Écrire des répliques longues
Je profite d’une question posée dans les commentaires pour évoquer le cas desrépliques longues dans un dialogue. Si d’aventure l’un de vos personnages devient trop prolixe et entame un dialogue long ou un discours interminable, il se peut que vous ayez à passer un paragraphe dans une réplique de dialogue. En effet, une réplique trop longue d’un personnage peut vite enlaidir une mise en page.
Il vous faudra alors introduire le second paragraphe d’une même réplique (et les suivants) par un signe qui précise qu’il s’agit toujours du dialogue. La tradition typographique employait alors une guillemet fermante (»), ce qui ironiquement paraît assez choquant aujourd’hui. Vous pouvez donc également utiliser une guillemet ouvrante («) au début du nouveau paragraphe.
Enfin, libre à vous de créer votre propre mise en page pour une réplique longue, l’essentiel est que votre second paragraphe de réplique soit facilement distingué d’unparagraphe de narration. Par ailleurs, vous devez vous tenir à une seule mise en page pour les répliques longues tout au long d’un ouvrage.
Je vais vous donner ici un exemple de dialogue avec une réplique longue, en utilisant la guillemet ouvrante :
— Oh non, Gérard, lança Michel en grimaçant, je sens que tu vas encore nous faire une de ces longues tirades dont tu as le secret ! [j’utilise ici une mise en page « moderne » sans guillemets d’ouverture]
— Moi, faire de longues tirades ? s’offusqua Gérard, vexé. Tu plaisantes ? Jamais, ô grand jamais on ne m’a accusé avec une telle fourberie. Incision et rapidité de propos sont les qualités qu’on m’attribue régulièrement. Les longues tirades sont pour les pleutres, pour les politiciens, pour les menteurs ! Comment toi, ami de longue date, peux-tu ne serait-ce qu’oser insinuer que mes répliques sont longues ?[Premier paragraphe d’une longue réplique]
« A la vérité, mon cher ami Michel, je pense que tu es jaloux. Jaloux de ma prestance, jaloux de mon charisme. Ô, toi, qui aime parler pour ne rien dire, tu as du mal à concevoir que je sois à ce point capable de rendre mes phrases concises et claires ! Mais je ne t’en veux pas Michel, car je reste magnanime en toute circonstance. A ce propos : de quoi parlait-on, déjà ? [Second paragraphe et fin de la longue réplique. Je n’ai pas utilisé ici de guillemet fermante à la fin de la réplique car ma mise en page est moderne (avec tirets uniquement). La guillemet ouvrante n’a donc servi qu’à montrer que nous étions toujours dans le dialogue. Si nécessaire, vous pouvez ajouter autant de paragraphes que voulu. Chaque nouveau paragraphe sera introduit par une guillemet ouvrante]
— Gérard, tu es un incorrigible fripon ! s’amusa Michel, qui ne pouvait décidément pas en vouloir à son ami. [La longue réplique de Gérard est terminée, j’utilise donc un tiret pour indiquer que c’est son interlocuteur Michel qui a repris la parole]
Source: http://lesoufflenumerique.com/2012/10/23/typographie-ecrire-des-dialogues/
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